Printemps Sacré – Vivre | Mourir | Renaître

« À travers les thèmes de la jouissance, du deuil et de la résurrection, l’Ensemble Irini, créateur de liens inattendus entre Orient et Occident, met en perspective des œuvres sacrées d’Heinrich Isaac, véritable Bach de la Renaissance, et des extraits de liturgie orthodoxe géorgienne. »


Printemps Sacré – Vivre | Mourir | (Re)naître




 

Motets sacrés d’Heinrich Isaac | Liturgie orthodoxe de Géorgie

En 3 actes, l’Ensemble Irini en octuor a cappella raconte un voyage initiatique, entre effondrement et renaissance, sur le fil d’Ariane de la résilience.

Né au creuset des secousses et des incertitudes de notre temps, entre crises sanitaires et climatiques, guerres et replis identitaires, Printemps Sacré est une ode à la vie, à la jouissance, et à l’espoir.

Ce récit allégorique suit deux destinées fracturées. 

La première est celle d’un compositeur exceptionnel : Isaac, génie trop souvent oublié de l’école franco-flamande, concurrent de Josquin, dernier hériter de Dufay et Binchois, qui connaît les affres de la guerre et de l’effondrement de son monde dans les bûchers de Savonarole, et le long exil, avant le retour tant espéré, dans sa Florence, au terme de sa vie. 

La seconde, en miroir, est celle d’un pays continuellement secoué par la guerre et les invasions, dont le patrimoine musical, récemment consacré par l’UNESCO, constitue par sa seule existence un acte de résistance. 

Avec « Printemps Sacré » l’Ensemble Irini en octuor, raconte ces chemins de deuil et de retour à la Vie, à travers des oeuvres  à 3, 4 et 6 voix d’un raffinement et d’une subtilité jamais égalée.

 

Lila Hajosi – Direction

Eulalia Fantova – Clémence Faber : mezzos

Julie Azoulay – Lauriane le Prev : contraltos

Matthieu Chapuis – Olivier Merlin : ténors

Guglielmo Buonsanti – Sébastien Brohier – basses

https://youtu.be/l38-on5u5zchttps://youtu.be/zktQJJhwJAQ

Heinrich Isaac – L’éternel retour 

Si les biographes n’ont aucune certitude sur le lieu de naissance du compositeur (Flandres, Pays-Bas, Allemagne ?) et sur l’année de sa venue au monde (environ 1450), il est une vérité incontournable d’Isaac, c’est celle du Giglio florentin. Ses premières années sont obscures, on sait qu’il a fait ses premières et brillantes armes en Autriche. Sa réputation est excellente et l’Europe lui est ouverte. En 1485, il a choisi Florence où il officie comme cantor et compositeur au service de Laurent le Magnifique et des Médicis. Avec le « Laurier » couronnant le Lys incarnat, Isaac noue des liens profonds. C’est Laurent de Médicis qui l’établit à Florence, lui trouve une épouse, lui confie l’éducation musicale de ses enfants, dont le futur pape Léon X. C’est également lui qui va jusqu’à offrir la musique d’Isaac, manuscrite ou en majesté dans un riche chansonnier, en cadeaux diplomatiques. Le compositeur quant à lui habille de musique le poète favori du « Prince » : Angelo Poliziano, et, c’est sur ses vers qu’il pleurera sa mort, en 1492, dans l’extraordinaire Quis dabit capiti meo aquarum ? Avec Laurent le Magnifique, c’est la Florence d’Isaac, patrie choisie et aimée, qui s’écroule. Face à l’hostilité générale enflammée notamment par Savonarole à l’égard des Médicis, le fils de Laurent, Pierre l’Infortuné, ne résiste pas et son bannissement en 1494 met fin au règne du blason aux cinq « palle ». L’enfant auquel Isaac avait un jour enseigné la musique meurt noyé à 31 ans moins de dix ans plus tard, tentant de fuir une bataille. L’autre fils, Giovanni, devenu cardinal, doit fuir déguisé en franciscain et disparaît. Le compositeur subit le même exil que les Médicis et se retrouve avec sa femme florentine en Autriche au service de Maximilien Ier, empereur du Saint Empire romain germanique. En 1502, Isaac revient à Florence et tente de se faire employer à Ferrare mais on lui préfère un certain Josquin Desprez. En 1512, les Médicis font leur retour à Florence grâce à l’armée espagnole et au pape Jules II.  Finalement en 1515, alors que l’Empereur employeur d’Isaac s’achemine vers sa mort, il autorise généreusement le compositeur à retourner à Florence de façon permanente tout en lui maintenant sa pension. Isaac renoue avec le nouveau pape Léon X qu’il eut enfant comme élève sous le nom de Giovanni, fils de Laurent de Médicis. Son ancien élève devient son protecteur et c’est à Florence, patrie élue, qu’il aura finalement retrouvée après 21 ans d’exil, qu’Isaac finit sa vie, en 1517.  

La musique d’Isaac constitue l’un des apex de la Renaissance. Son écriture relève à la fois de la tradition, notamment par son attachement à l’emploi du Cantus firmus, et de la modernité avec l’inclusion de canons, d’écritures en imitation. Il demeure unique en ce qu’il traite chaque voix en mélodiste, ne cédant jamais au remplissage harmonique. Aucune fioriture chez Isaac, aucun artifice, chaque note, chaque voix est orfévrée comme une pièce d’horlogerie. Sa musique a cet aspect extraordinaire d’une mécanique parfaite à la fois machine et organe, à la fois technique et d’une sensibilité unique. Cette intrication impossible sur le papier s’avère une évidence absolue lorsque les voix chantent. En cela il est proche, deux siècles plus tôt d’un Jean-Sébastien Bach… qui reprendra une de ses mélodies dans sa Passion selon St Matthieu ! 

Chants liturgiques de Géorgie – Survivre, demeurer, renaître 

Au moment où Isaac s’exile de Florence, la Géorgie, dernier bastion chrétien à l’Est de la Mer Noire vient d’être brutalement séparée en trois royaumes au terme de guerres sanglantes contre turcs et perses musulmans. Il lui faudra attendre presque trois siècles pour être ré-unifiée. Cependant cette division du royaume n’arrête pas les violences et la noblesse convertie ou non, se déchire sans discontinuer pour le pouvoir. Dans ces conflits incessants internes ou externes, le patrimoine culturel subit de graves atteintes. Ainsi en 1510 le monastère de Ghelati, considéré comme un second Mont Athos, centre artistique sacré de la Géorgie du XIVe siècle, est incendié par les turcs. La musique sacrée géorgienne constitue un patrimoine unique dans le monde de l’orthodoxie, elle est la seule qui soit véritablement pensée comme polyphonique, avec une écriture unique à trois voix, interdépendantes. Là où la musique byzantine se construit autour d’une ligne mélodique à laquelle répond un ison, bourdon donnant les bornes modales, suivant le chantre, la polyphonie est véritablement une écriture à trois voix, chacune insécable des autres. Il n’est donc pas possible, contrairement au style grec byzantin ou russe, d’isoler un chant fondamental autour duquel se construisent les voix isoniques. Cette particularité a été maintenue à force de résistance des chantres géorgiens, contre les tentatives d’assimilation régulières de Byzance ou plus tard, de la Russie. Aucun traité musicologique n’est parvenu à nos jours et tout le savoir technique concernant cette musique unique a été extrait à partir d’enregistrements de chanteurs datant du début du XXe siècle. Ainsi, si de nombreux manuscrits musicaux subsistent, aucune indication concernant l’exécution musicale n’existe. Le travail de reconstitution et d’analyse permettant aujourd’hui la survivance de ce patrimoine et la possibilité de le donner à entendre est dû aux recherches d’ethnomusicologues géorgiens et internationaux. La polyphonie géorgienne est une exception musicale, le trésor d’une culture qui n’a cessé d’être démantelée, annexée, envahie, assimilée. Pourtant, elle n’a jamais complètement disparu et offre aujourd’hui sa beauté aux oreilles du public contemporain, fruit d’un long chemin de résilience et de résistance, et d’un travail communautaire international de sauvegarde.  

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